L'influence du Covid-19 sur les relations franco-allemandes
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Les relations franco-allemandes sont considérées comme un indicateur de la santé du projet européen. C'est notamment le cas de la crise du covid-19, qui a mis en évidence le caractère divergent des décisions prises par nos deux pays : cette crise sera probablement le premier test à grande échelle de ce que l'on peut appeler la " nouvelle relation franco-allemande ". Cette nouvelle relation repose sur un triptyque : l'ambitieux traité d'Aix-la-Chapelle (qui fixe l'objectif d'harmoniser nos modèles économiques et sociaux), l'innovante assemblée parlementaire franco-allemande (qui est l'instrument parlementaire opérationnel de cette convergence) et le comité transfrontalier (qui fait des zones frontalières les véritables laboratoires de cette convergence).


L'influence du Covid-19 sur les relations germano-italiennes
Le volume total des échanges germano-italiens en 2020 a diminué de 8,7 % pour atteindre 116 milliards d'euros (en 2019, il était de 127 milliards d'euros). La pandémie interrompt ainsi une tendance très positive enregistrée au cours de la période 2017 2019, mais le volume total ne retombe pas au niveau de 2016. Selon le directeur général de AHK Italien, Jörg Buck : "L'Italie est une pièce fondamentale dans les chaînes de valeur allemandes et les données sur le commerce bilatéral nous indiquent que le rôle de premier plan de l'Italie pour l'industrie allemande a résisté à l'épreuve de la pandémie. Dans une perspective de redémarrage et de croissance continue, il est nécessaire de continuer à se concentrer, tant au niveau privé que public, sur les leviers stratégiques des entreprises italiennes qui ont également été mis en évidence par la recherche : l'innovation, également dans ses formes protégées par la propriété intellectuelle, la protection de l'environnement et le développement de modèles de production qui font de la durabilité leur point d'appui".


ENTRETIENS
Christian Tremmel
Professeur agrégé de français et d’allemand et enseignant à l’Université Côte d'Azur depuis de nombreuses années dans le cadre de la formation des enseignants et grâce à des conventions bilatérales d’échanges (DAAD, c'est-à-dire “Deutscher Akademischer Austauschdienst”)
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En général, comment voyez-vous les relations entre la France et l'Allemagne ? Et entre les Français et les Allemands ?
J’estime que les relations entre les deux pays sont très bonnes à plusieurs niveaux, notamment sur le plan politique en Europe et le cadre institutionnel créé entre l’Allemagne et la France depuis le fameux “Traité de l’Elysée” du 22 janvier 1963, mais aussi son renforcement par le Traité de coopération et d’intégration décidé à Aix-la-Chapelle (Aachen) en 2019 entre les deux gouvernements est exemplaire et pour servir de modèle en matière de rapprochements entre deux pays historiquement opposés. Il existe des liens étroits de dans nombreux domaines, des échanges scolaires proposés par l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ) qui vont des simples échanges de classe de langue pour une semaine jusqu’aux échanges individuels de 3 ou six mois (programmes Voltaire et Brigitte Sauzey), mais aussi l’Université franco-allemande (UFA) qui propose des cursus binationaux, la chaîne de télévision franco-allemande ARTE, des centres culturels (tels que le CCFA à Nice, mais aussi la Maison Heinrich Heine à Paris, la Maison de Bourgogne à Mayence (Mainz) et son équivalent, la Maison Rhénanie-Palatinat à Dijon, la Maison Heidelberg à Montpellier... pour ne citer que ces exemples), le fond citoyen franco-allemand, les volontariats franco-allemands, les bourses de stages et de nombreux programmes bilatéraux dans des secteurs aussi différents que l’art, la formation professionnelle et les études, la recherche, sans parler des rencontres politiques très régulières entre les gouvernements. Meilleur exemple des bonnes relations entre les deux pays : La dernière visite à l’etranger d’Angela Merkel a été chez M. Macron. Et la première visite à l’etranger du nouveau chancelier allemand, Olaf SCHOLZ (SPD), au lendemain de son élection au sein du parlemement (Bundestag) et sa nomination par le Président fédéral allemand, Frank-Walter Steinmeier, l’a mené à Paris.
Pour aborder la deuxième partie de la question, les relations entre Français et Allemands, il convient de nuancer. Certes, les relations entre les citoyens des deux pays sont, elles aussi, marquées par les bonnes relations politiques, mais je dirais que dans l’Union Européenne d’aujourd’hui, ces relations bilatérales privilégiées sont peut-être considérées comme “normales” par la plupart des citoyens et n’ont plus rien de particulier pour beaucoup de citoyens. Alors que les premières décennies de “l’amitié franco-allemande” était encore marquées par l’esprit de la “réconciliation” et les cicatrices laissées par les deux guerres mondiales et notamment la seconde, on constate, ces dernières années, que cette
notion de “réconciliation” joue un rôle de moins en moins important. Les destinations préférées de vacances des Allemands et des Français ont évolué aussi, ce qui va de pair avec une certaine méconnaissance de l’autre.
Ceci est beaucoup moins vrai dans les régions frontalières qui comptent de nombreux travailleurs transfrontaliers qui maîtrisent parfaitement la langue de l’autre, où on fait ses courses de l’autre côté de la frontière etc.
Ailleurs, dans des régions moins proches de la frontière franco-allemande, il y a toujours les “fans” de l’autre pays sur le plan touristique et culturel, mais ce sont aussi les relations économiques qui créent de nombreuses rencontres entre Français et Allemands sur le plan économique : Rappelons que l’Allemagne, première économie en Europe de par sa taille et son chiffre d’affaires, est toujours le partenaire économique le plus important pour la France et parmi les premiers partenaires économiques de l’Allemagne (avec les Pays-Bas, les Etats-Unis et la Chine), selon les chiffres de la Chambre de commerce franco-allemande. Au niveau de l’apprentissage de la langue de l’autre, il y aurait pourtant des progrès à faire : vu le rôle économique et culturel en Europe, il y a trop peu de jeunes Français qui apprennent et maîtrisent suffisamment l’allemand aujourd’hui. C’est un peu moins le cas du français en Allemagne, mais il est vrai que beaucoup d’Allemands privilégient l’anglais.
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Pouvez-vous donner un exemple basé sur le milieu éducatif dans lequel vous travaillez ?
A' l’Université Côte d’Azur, nous profitons pleinement des rapports privilégiés entre L’Allemagne et la France. Pour ne donner qu’un exemple, je rappelle que nous proposons, ici, deux cursus franco-allemands sous l’égide de l’Université franco-allemande : l’un avec l’Université de Ratisbonne (Regensburg) en Bavière, en LEA, l’autre avec la PH de Fribourg dans le Sud-Ouest de l’Allemagne, dans le domaine de la formation des enseignants et en LLCER Allemand, côté français. Ce dernier cursus permet d’obtenir les diplômes de Licence et de Bachelor des deux pays, mais aussi le Master MEEF / Master of Education des deux pays simultanément, ce qui permet aux diplômés d’enseigner dans les deux pays. C’est assez unique. Les deux cursus permettent donc d’obtenir des doubles diplômes binationaux et les étudiants touchent des bourses de la part de l’Université franco-allemande (UFA), au-delà des bourses Erasmus, pendant leurs phases de mobilité dans le pays partenaire. Je pourrai citer de nombreux autres exemples, des stages proposés dans l’autre pays, nos coopérations avec des établissements scolaires et même ma propre présence ici, à l’université de Nice, pendant de nombreuses années, grâce à des conventions de coopérations entre les deux pays. Certes, il y a de nombreuses coopérations européennes dans le cadre d’Erasmus+, mais la coopération franco-allemande dans le domaine universitaire va bien au-delà de ces coopérations et vont plus loin.
(voici le lien d'une interview donnée en 2018 sur la formation des enseignants entre la France et l’Allemagne : https://www.daad-france.fr/fr/2018/01/10/formation-franco-allemande-des-enseignants/ )
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Selon vous, la période actuelle de pandémie a-t-elle eu une influence importante sur les relations entre les deux pays ? Si oui, de manière négative ou positive ?
Il est évident que la pandémie du Covid-19 que nous traversons actuellement et qui n’est toujours pas surmontée à eu de nombreuses répercussions sur les relations entre les deux pays et notamment sur la mobilité transfrontalière. Je parle moins des relations économiques et politiques, mais des conséquences pratiques pour les travailleurs transfrontaliers, les échanges universitaires, le tourisme et surtout les nombreuses familles et individus ayant des liens forts avec l’autre pays. C’est surtout dans la première phase de la pandémie en 2020 que les conséquences ont été très fortes. On a assisté à des replis nationaux et pendant un certain temps, chaque pays a imposé ses propres règles qui rendaient les déplacements frontaliers très difficiles. Et oui, dans le quotidien, c’était assez difficile de maintenir les liens et d’assurer la mobilité entre ces deux pays partenaires. En plus, la France n’a pas mené la même politique pour affronter la situation. Là oú les Allemands se contentaient de “Lockdowns” (fermetures de magasins non essentiels et recommandations por limiter des rassemblements à l’intérieur des bâtiments), mais permettait toujours de se promener à l’extérieur ou de faire des sorties dans la nature la plupart du temps, les confinements très stricts en France qui limitait la liberté individuelle de circulation à 2 kilomètres ou un peu plus après, choquait beaucoup d’Allemands. Mais concernant la gestion commune de la crise en Europe, très vite, le bon sens a pris le dessus et les efforts de la commission européenne notamment en matière de vaccination et la création d’un pass sanitaire européen par un système qui génère des codes de preuve de vaccination ou de tests reconnus dans toute l’Europe font qu’aujourd’hui, les déplacements entre ces deux pays comme dans toute l’Europe sont à nouveau possible, en respectant les règles de chaquun des deux pays. Sur le plan politique, il y a eu des crises, par exemple au moment où l’Allemagne avait renforcé les règles pour les transfrontaliers dans la région Sarre-Lorraine, à cause des taux d’incidence très importants en France, considérées comme pays “à haut risque” pendant un certain temps par le RKI (le Robert-Koch-Institut), l’institut de santé public allemand qui évalue la situation pandémique pour le gouvernement allemand. Mais grâce aux pourparlers et l’étroite coopération entre les deux pays, des solutions ont été trouvées.
Actuellement et après presque deux ans de pandémie, je ne vois pas de détérioration dans les relations franco-allemandes. Je dirais plutôt que la gestion de la crise et les consultations régulières sur le plan politique et diplomatique ont davantage rapproché les deux pays partenaires – et ce n’est pas le cas de tous les pays de l’Union européenne.
Cinzia Lizza
Inside Sale Manager dans l'entreprise papetière LECTA (Munich)
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En général, comment voyez-vous les relations entre l'Italie et l'Allemagne ? Et entre les Italiens et les Allemands ?
Les relations sont très cordiales et, en général, il est bien connu que les Italiens admirent la précision et le sens du devoir de l'Allemand et que les Allemands admirent le savoir-vivre de l'Italien et sa capacité à s'adapter à des situations hors de sa "zone de confort". Mais comme dans toute chose, il y a aussi un côté négatif. Il y a un proverbe qui dit : l'Allemand aime l'Italien, mais il ne le respecte pas. L'Italien respecte l'Allemand, mais il ne l'aime pas. La raison est que l'Allemand n'est pas très flexible et ne suit pas bien l'Italien, lequel en étant plus flexible et créatif n'est pas pris en considération et respecté par l'Allemand. Une autre critique concerne le sens de l'humour, qui n'appartient pas à la culture allemande. En ce qui concerne l'italien, on peut dire qu'il profite de la naïveté de l'allemand.
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Pouvez-vous donner un exemple basé sur le milieu professionnel dans lequel vous travaillez ?
L'Italien se caractérise par son imagination, notamment dans le monde du design et de la gastronomie. L'Allemand essaie de l'imiter, il suffit de penser à tous les restaurants italiens et à la cuisine italienne en Allemagne. De même, l'Italien tente d'imiter le sens du devoir et de l'organisation de l'Allemand en incorporant certaines de ces caractéristiques dans l'entreprise.
Mais il y a aussi le mythe selon lequel en Italie, les gens pensent qu'ils travaillent beaucoup en Allemagne. La vérité est qu'en Allemagne, on travaille beaucoup moins qu'en Italie, parce qu'en Allemagne, le travail est très structuré et les tâches sont très claires. Au contraire, en Italie, tout est surchargé, donc pour réussir professionnellement, il faut travailler beaucoup plus.Un exemple classique est le fait qu'en Allemagne, après 15 heures le vendredi après-midi, il n'y a personne au bureau, alors qu'en Italie, il y a presque toujours quelqu'un de disponible.
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Selon vous, la période actuelle de pandémie a-t-elle eu une influence importante sur les relations entre les deux pays ? Si oui, de manière négative ou positive ?
La première phase de la pandémie en Italie a été observée par les Allemands, qui ont pu se préparer à temps "grâce" aux événements désastreux qui s'étaient produits et auxquels personne n'était préparé. Dans la deuxième phase, les Italiens ont étonné tout le monde, car ils ont réussi à s'organiser et à prévenir des dangers plus importants, certainement mieux que les Allemands. En fait, Angela Merkel a beaucoup admiré la façon dont les Italiens ont géré la pandémie. Cette situation a quelque peu inversé les rôles, puisque le pays censé être organisé s'est avéré être un pays à la dérive et l'Italie, qui a habituellement une faim différente, a maintenant donné l'exemple à tous les autres pays en termes de gestion de la situation.